Le beurre

Beurre

Du plus lointain que l'on sache, le beurre a accompagné tous les peuples éleveurs du Monde.

Sa plus ancienne trace " écrite " date de 4 500 ans : sa fabrication est figurée sur une plaque de calcaire gravée à l'époque sumérienne.


Au musée de Bagdad, la scène décrit la traite des vaches par les employés d'un grand domaine, puis la fabrication du beurre dans une " baratte " primitive qui n'est autre qu'une grande jarre contenant le lait et qu'on fait rouler de droite à gauche.

On sait que les Aryens qui se sédentarisent en Inde il y 3300 ans y développent, outre l'écriture sanscrite, la technique de clarification du beurre pour le conserver, pratique toujours employée de nos jours par les nomades du Sahara.

Seules deux civilisations font exception, la Grèce antique puis Rome qui ne goûtent pas le beurre, l'attribuant aux " Barbares ", entendez : tous ces peuples " non civilisés " qui les entourent !
L'influence de la culture romaine n' est peut être pas étrangère au fait que, chez nous, le beurre demeure " la graisse du pauvre " jusqu'à la fin du Moyen Age, époque à laquelle il commence à être recherché pour la table des élites.

Dès la Renaissance, le beurre est hautement apprécié par les "bons becs" et, en 1590, on paie la livre de beurre salé breton un écu...
Le morceau de beurre est alors enveloppé de feuilles fraîches.
Il est recouvert d'eau salée et conservé dans des pots de grès.
Paris, la capitale royale, connaît un cru fameux à un petit galop de ses premières maisons : celui du village de Vanves.
"Beurre frais, bon pour la morue !" est-il crié dans les rues.

Outre la Normandie, la Bretagne, d'autres terroirs se font peu à peu connaître comme bons producteurs : l'Est, et les zones de montagne.
En 1880, à la suite des ravages dans les vignes par le phylloxéra, de nombreux herbages prennent le relais de terres viticoles en Poitou-Charentes.
Il en sort de grands crus : l' Echiré, le Surgères, le Saint-Varent...

En France, ce n'est que dans les années 60 que la production industrielle se généralise totalement, marginalisant la production fermière.
Barattes en bois et marques à beurre sont reléguées dans les musées avec l'apparition du butyrateur, qui permet la fabrication du beurre en continu.

Aujourd'hui, la France est le premier producteur européen de beurre, juste devant l'Allemagne et loin devant le groupe des pays laitiers du Nord, Irlande, Grande-Bretagne et Pays-Bas.

En 2001, avec 8,2 kilos par habitant et par an, le Français est le consommateur le plus gourmand de beurre au monde.

Tandis que l'Espagnol, le Brésilien et le Japonais l'ignorent presque superbement, avec moins de un kilo par habitant et par an !

La fabrication

Pour faire un kilo de beurre, il faut de nos jours 20 litres de lait entier

Le progrès technique, en portant essentiellement sur l'hygiène, la rapidité et la fiabilité de la production, n'a pas fondamentalement modifié les grandes étapes de la fabrication du beurre :

L'écrémage du lait

Le beurre est fait à partir de la crème du lait, matière grasse à la densité plus faible, qui lui permet de remonter à la surface lorsque le lait repose. La masse volumique de la crème est de 0,918 g/cm3 à 20°C.
Le "crémage" consistait à récolter la crème, en une opération lente et discontinue.

Depuis 1878 l'écrémeuse-centrifugeuse a remplacé ce temps de repos. Aujourd'hui, le lait alimente celle-ci en continu.

La force centrifuge sépare les éléments les plus lourds des plus légers qui se rassemblent au centre pour constituer la crème.
Selon qu'on la prélève plus ou moins près de l'axe de rotation, la crème obtenue est plus ou moins riche en matière grasse.
 

La pasteurisation

Etape relativement récente, puisqu'elle a un siècle.
La plupart des laits et crèmes destinés à être transformés en beurre sont soumis à une température élevée (90°C) pendant une vingtaine de secondes, puis immédiatement refroidis.

La maturation

Autrefois naturelle, elle est désormais dirigée.
Son but : favoriser le meilleur développement à l'arôme du beurre, grâce à la formation de diacétyle.
On ensemençait la crème avec un levain de ferments lactiques provenant de crèmes ou de beurres sélectionnés pour leur goût.
 
Puis, on laissait maturer en cuve pendant une quinzaine d'heures, entre 14° et 16°C.

Aujourd'hui, cette maturation de la crème, à la fois biologique (acidification et aromatisation) et physique (cristallisation de la matière grasse) a été quasiment abandonnée.
Et la production de beurre à partir de crèmes maturées ne représente plus qu'environ 10% de la production nationale.
Elle ne concerne plus que la fabrication discontinue à l'aide de barattes et le procédé continu utilisant un butyrateur.
Elle est remplacée par le procédé continu, dit du "Nizo" qui permet l'utilisation de crèmes douces, non maturées, le réensemencement intervenant en fin de fabrication.

Le barattage

Cette agitation énergique de la crème fait éclater les globules de matière grasse et les soude entre eux, en libérant un liquide riche en protéines et en lactose : le petit lait ou babeurre.

Les grains de beurre sont lavés à l'eau pure, puis malaxés dans une nouvelle agitation qui perfectionne leur agglomération et répartit uniformément l'eau nécessaire à la masse du beurre.
Aujourd'hui, les barattes en continu forment les grains de beurre en moins d'une seconde ; le babeurre est automatiquement évacué, les grains de beurre sont lavés et malaxés et le ruban de beurre continu est immédiatement découpé et empaqueté.


Les dénominations

" Beurre " est une appellation juridiquement protégée. Non seulement en France, grâce au décret du 30/12/1988, mais sur le territoire de l'Union Européenne.
Avec ou sans qualificatif, le beurre, est composé d'au moins 82% de matière grasse butyrique, d'environ 16% d'eau (c'est un maximum) et de matière sèche non grasse (au maximum 2%).

C'est un produit laitier, de type émulsion d'eau dans la matière grasse, obtenu par des procédés physiques, dont les constituants sont d'origine laitière.
Il est obtenu à partir de crèmes pasteurisées, congelées ou surgelées.  
 
Le décret de 1988 a précisé les dénominations de vente, le traitement des crèmes, et la composition des beurres et de certaines spécialités laitières

Les beurres

Le beurre cru ou beurre de crème crue
Comme son nom l'indique, il est obtenu exclusivement à partir de crème n'ayant subi aucun traitement d'assainissement (non pasteurisée).
Mis à part la réfrigération du lait après la traite dans des tanks à lait à 4°C, en vue de sa conservation.

Le beurre extra-fin

Il est fabriqué exclusivement avec une crème pasteurisée, n'ayant jamais été ni congelée, ni surgelée, ni désacidifiée. Ce qui signifie que la fabrication a démarré au plus tard 72 heures après la collecte du lait ou de la crème, et 48 heures après l'écrémage du lait. 
Coquilles de beurre
 

Le beurre fin

C'est un beurre pasteurisé obtenu à partir d'un mélange de crème pasteurisée et de crème surgelée ou congelée.
La proportion de celles-ci ne peut dépasser 30%.
En faisant varier la teneur en matière grasse du beurre, on obtient d'autres types de beurres, aux usages spécifiques en pâtisserie et en cuisine : les beurres concentré et cuisinier.

Le beurre concentré

Dans ce beurre pasteurisé, on a éliminé par fonte douce, décantation, centrifugation pratiquement toute l'eau et la matière sèche non grasse. Il contient au minimum 99,8% de matière grasse laitière anhydre (MGLA).
 
Sous la dénomination beurre concentré, on entend, en fait, les dénominations d'huile de beurre et de MGLA. Ces produits sont utilisés avec la poudre de lait dans les pays en développement pour la reconstitution du lait et des produits laitiers.

Le beurre cuisinier ou beurre de cuisine

Ce beurre pasteurisé déshydraté contient au minimum 96% de matière grasse laitière.
Il existe enfin d'autres types de beurre, différenciés essentiellement par leur goût.

Le beurre salé

Sa teneur en sel est supérieure à 3%.

Le beurre demi-sel

Sa teneur en sel est comprise entre 0,5% et 3%.

Le beurre d'appellation d'origine

Comme toutes les appellations d'origine, il obéit à des critères rigoureux de terroir et de tradition de fabrication.
Par la finesse et la typicité de leur goût, deux beurres ont mérité l'AOC : le beurre Charentes-Poitou et le beurre d'Isigny.

Le beurre aromatisé

Il a subi l'adjonction, à chaud ou à froid, de divers produits : épices, herbes aromatiques, fromages, ail, miel, fruits, cacao...
Depuis une vingtaine d'années, il existe d'autres types de beurre à partir d'éléments d'origine exclusivement laitière, mais dont la teneur en matière grasse a été considérablement réduite. Ils ne sont pas faits pour la cuisson, à cause de leur importante quantité d'eau. 
Palette de beurres aromatisés
 

Le beurre allégé

Sa teneur en matière grasse doit être comprise entre 41 et 65%.
La crème est préalablement pasteurisée.

Le demi beurre

Il ne contient que 41% de matière grasse. La crème est préalablement pasteurisée.
La teneur en matière grasse de tous ces produits doit être clairement indiquée sur l'emballage.

Les spécialités laitières à tartiner allégées ou à teneur lipidique réduite

Composées de matières premières d'origine laitières, leur teneur en matière grasse est comprise entre 20 et moins de 41%, et obligatoirement spécifiée sur l'emballage.


Les bons usages

Beurre ou ordinaire ?

Fondement de l'art culinaire français pendant des siècles, le beurre a su s'adapter depuis quelques décennies à l'évolution de la gastronomie et de la cuisine familiale française.
Il est l'un des signes d'un incontestable art de vivre.
Sur la table française, le beurre est présent à tous les repas. 

Tel quel

En plus des tartines du petit déjeuner et du goûter, il est apprécié par beaucoup au moment du fromage.
Un bon morceau de beurre est le complément indispensable des légumes, poissons cuits à la vapeur, des pâtes, purées, pommes de terre, des gratins minute de la table familiale.
Radis, sardines, fruits de mer, ne se conçoivent pas sans lui. Aux grillades, cru ou monté, nature ou aromatisé, il apporte une touche finale irremplaçable.
Enfin, pas un buffet ne peut se concevoir sans le beurre.
Trop de canapés, sans lui, perdraient leur raison d'être...

En cuisine

Dans les sauces, la cuisson, les liaisons, les crèmes, intimement mêlé à d'autres ingrédients dont il exalte la saveur dans les beurres composés, le beurre est indispensable à toute cuisine digne de ce nom.
Que dire alors de la gastronomie ? Il a donné ses lettres de noblesse à toutes les grandes sauces : béarnaise, béchamel, hollandaise... le beurre blanc, façon nantaise ou angevine, qui accompagne le saumon, le brochet et le sandre de Loire.

En pâtisserie

Sans beurre, il n'est pas de pâtisserie digne de ce nom. Lui seul confère la légèreté, la finesse et l'onctuosité.
Salé ou demi-sel, il apporte un "plus" gustatif aux pâtes sablées, aux viennoiseries et aux brioches.

Les beurres concentrés ou cuisiniers conviennent aux feuilletages, aux croissants, aux sauces, aux crèmes, à la brioche, aux quatre-quarts et aux madeleines. Ils en développent le moelleux, la souplesse et les pâtes sont plus malléables.

C'est pourquoi leur usage, notamment industriel, ne cesse de croître.
Si vous utilisez du beurre concentré, diminuez de 16% la quantité de beurre nécessaire à vos recettes et rajoutez la même quantité de lait écrémé.
Le beurre intervient aussi dans la réussite de nombreuses gourmandises, truffes, caramels, chocolats...

Mythes et réalités


25 g de beurre couvrent 30% des besoins journaliers en vitamine A

"Le beurre est plus calorique que les autres matières grasses" ?

Faux : 10 g d'huile (arachide, olive, colza, maïs..) apportent 90 Kcal.
10 g de margarine apportent 76 Kcal. Soit exactement la même quantité que 10 g de beurre. Le beurre est moins calorique que l'huile et sa valeur énergétique n'est pas supérieure à celle de la margarine.

"Le beurre peut être totalement remplacé par d'autres matières grasses" ?

Non : Car il est source importante de vitamine A.

"Le beurre n'est pas digeste" ?

Faux : De toutes les graisses, le beurre cru a la vitesse d'absorption la plus rapide, grâce à la présence d'acides gras courts.

"La pasteurisation et la maturation de la crème nivellent le goût et l'arôme des beurres" ?

Vrai et faux : Un ensemencement raisonné en ferments lactiques sélectionnés permet de conserver en partie "le terroir" dont la définition reste difficile.

"Les beurres clairs sont moins riches en vitamines" ?

Non : Comme pour les oeufs, la couleur est indépendante de la teneur en vitamines. Elle dépend de la nature des aliments distribués aux animaux. L'herbe, par excellence, apporte une substance le " béta-carotène " qui confère à la matière grasse sa couleur " jaune ".

"Le beurre chauffé est mauvais pour la santé" ?

Faux : Les acides gras du beurre sont très stables à la cuisson. Si le beurre noircit losqu'il est chauffé, cela est dû à la caramélisation des traces de lactose et de protéines qu'il contient.


Source : La maison du lait


Le babeurre : un goût inimitable

Liquide au goût aigrelet qui se sépare de la crème lors de la fabrication du beurre. Il est aussi appelé lait de beurre.


Depuis trente ans, la consommation de babeurre, qui fait partie de la famille des produits laitiers tout comme le fromage, la crème glacée et le yogourt, a considérablement diminué. Pourtant, c'est un produit si intéressant qu'il mérite qu'on lui réserve une petite place au réfrigérateur.

En 1963, la consommation annuelle de babeurre s'élevait à 0,8 l par personne. En 1993, elle était à peine de 0,4 l. Il est peut-être le temps de redécouvrir le babeurre, dont la texture crémeuse et veloutée ainsi que le goût très particulier invitent à l'essai.


Crémeux sans graisse

Il faut savoir que le babeurre constitue une excellente source de calcium et de riboflavine (vitamine B2) tout en possédant une importante teneur en protéines. Contrairement à ce que plusieurs peuvent croire, son contenu en matières grasses est réduit : il n'atteint même pas 1 %. Toutefois, comme le babeurre n'est pas enrichi, il ne contient qu'une faible quantité de vitamine A et est exempt de vitamine D.


À l'origine, le babeurre provenait du liquide résiduel de la fabrication du beurre. De nos jours, il s'agit plutôt d'un lait fermenté. Il est fait de lait pasteurisé, entièrement ou partiellement écrémé, auquel on ajoute du lait écrémé en poudre, du sel et une culture bactérienne. Cette dernière facilite la fermentation. Une partie de son sucre naturel, ou lactose, est transformée en acide lactique, d'où son goût piquant, parfois difficile à apprivoiser.


Trois conditions essentielles

À l'instar de tout produit laitier, le babeurre ne peut conserver toutes ses qualités qu'aux trois conditions suivantes :

- Il faut toujours vérifier la date de péremption au moment de l'achat.

- Il faut le réfrigérer à une température se situant entre 1 C et 4 C le plus rapidement possible après l'achat. Il est également préférable de le ranger sur les tablettes du frigo plutôt que dans la porte, où la température n'est pas assez basse.

- Il faut le conserver dans son contenant original pour en préserver le goût et la valeur nutritive car, exposé à la lumière, il perd de sa riboflavine et change de goût.

Il pourra ainsi se garder environ deux semaines sans problème et entrer dans la préparation de crêpes, de muffins, de vinaigrettes et de bien d'autres expériences culinaires que l'on ne risque pas de regretter!


Recettes : Petits pains au babeurre

500 ml (2 tasses) de farine de blé entier

5 ml (1 c. à thé) de sel

10 ml (2 c. à thé) de levure chimique

1 ml (1/4 c. à thé) de bicarbonate de sodium

60 ml (1/4 tasse) d'huile de tournesol

250 ml (1 tasse) de babeurre

60 ml (1/4 tasse) de raisins secs (facultatif)


Dans un grand bol, combiner la farine avec le sel, la levure chimique et le bicarbonate de sodium.
Verser le babeurre et l'huile en remuant avec une cuillère de bois. Incorporer les raisins secs.
Déposer des cuillerées à soupe de pâte sur une plaque à biscuits légèrement huilée, en les espaçant de 2 po (5 cm) les unes des autres.
Cuire au four à 220 C (425 F) de 15 à 20 minutes. Donne 15 petits pains.


Et Aujourd'hui ?

Aujourd'hui, on obtient le babeurre en ajoutant une culture bactérienne à du lait.
C'est un émulsifiant naturel utilisé en boulangerie, en pâtisserie et dans la confection de crème glacée.
Il est excellent pour préparer des sauces fraîches additionnées d'herbes aromatiques et de jus de citron.
On remplace le babeurre par du lait frais (250 ml) auquel on ajoute 10 ml de vinaigre.


Source : Annie Langlois, Dt.P. (Extrait du livre J'ai le goût des aliments : saveurs et découvertes)