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Dans le monde, les plus gourmands en crème sont scandinaves et anglo-saxons
Cadeau gourmand de la nature, la crème est au lait ce que la feuille est à l'arbre : elle lui est consubstantielle. Depuis des millénaires, elle a été recueillie par les hommes pour s'en régaler. Après les peuples nomades asiatiques, les Celtes et les Vikings furent les premiers à l'apprécier. |
En Europe, elle apparaît timidement sur la table médiévale,
notamment dans la composition des fromages frais, et son empire s'étend
progressivement.
Au XVIIe siècle, elle accommode les légumes et devient
le support d'une innovation majeure attribuée au célèbre
intendant Vatel qui officiait au château de Chantilly : la crème
chantilly.
Au XVIIIe siècle, son usage se généralise, notamment
dans la préparation de sauces sophistiquées, dans celle des
farces, dans l'accompagnement des viandes et volailles, dans les omelettes
et desserts.
Mais c'est au XIXe siècle qu'elle triomphe sans modestie. Aux
apprêts des siècles précédents, le grand Carême
en ajoute d'autres. Il en fait un élément essentiel de finition
des sauces et l'associe en particulier aux pommes de terre.
Aujourd'hui, cuisiner sans la crème est inconcevable.
A la fois pour des raisons de technique culinaire, de gastronomie, de
diététique et d'équilibre nutritionnel.
Car elle cumule bien des avantages : son moelleux en fait un élément
indispensable d'accompagnement des plats et de finition des sauces, et
son apport en graisses est nettement inférieur à celui des
huiles ou du beurre.
Enfin, les progrès réalisés dans la diversification
des crèmes permettent une plus grande maîtrise des préparations.
Fidèles à une tradition millénaire, les pays les
plus consommateurs de crème se recrutent parmi les pays scandinaves
ou à forte production laitière.
Consommation de crème de consommation en 1999 (en kg par habitant)
: Danois = 13,4, Suédois = 10,6, Allemand = 7,8, Finlandais = 7,4,
Autriche = 7,0, Français = 4,.
En 2000, le Français se place au treizième rang de la consommation
ce qui ne l'empêche pas de tenir le deuxième rang de producteur
de crème de consommation avec 301 000 tonnes, devant le Royaume
Uni (256 000 tonnes) mais loin derrière l'Allemagne (551 000 tonnes).
La crème est une émulsion de matière grasse dans
l'eau : les particules de matière grasse sont dispersées en
gouttelettes dans la phase aqueuse.
A l'inverse du beurre qui est une émulsion d'eau dans la matière
grasse : les gouttelettes d'eau sont réparties dans la matière
grasse.
Fabriquer de la crème demande aujourd'hui plusieurs phases :
La crème est obtenue à partir de l'écrémage
du lait. Pendant longtemps, celui-ci s'est fait naturellement : on patientait
24 heures pour attendre que les globules de matière grasse, plus
légers que l'eau, remontent lentement à la surface du lait
au repos. Une crème à 40% de MG a une masse volumique de 0,993
g/cm3 (à 20°C).
L'invention en 1878 de l'écrémeuse-centrifugeuse par le
Suédois Laval et l'Allemand Lefeld a permis d'en accélérer
la fabrication.
Le lait, d'abord chauffé à 35°C, alimente en continu
l'écrémeuse-centrifugeuse. Il est soumis à une rotation
très rapide à l'intérieur d'une cuve.
La force centrifuge accélère la séparation des composants
du lait. Les plus lourds gagnent les parois tandis que les plus légers
- les corps gras - se rassemblent au centre : c'est la crème.
Selon qu'on la prélève plus ou moins près de l'axe
de rotation, celle-ci est plus ou moins riche en matière grasse
A la sortie de la centrifugeuse, sauf pour celles destinées à rester crues, la plupart des crèmes sont pasteurisées à une température de 95°C à 98°C pendant 30 secondes. On est ainsi assuré de la destruction des germes et de l'inactivation des enzymes, tout en préservant les qualités organoleptiques de la crème.
Après pasteurisation, l'ensemencement par des bactéries
lactiques sélectionnées permet de faire maturer la crème,
pour agir sur sa texture, son épaisseur, son acidité et même
son goût. La maturation s'effectue entre 12° et 18°C.
Après maturation, la crème est refroidie et conditionnée.
Puis elle est stockée en chambre froide (6°C) et commercialisée.
La crème provient exclusivement du lait. L'addition de toute autre
matière grasse est formellement interdite (loi du 29 juin 1934).
Selon la réglementation en vigueur (décret du 23 avril
1980), le droit de s'appeler "crème" est réservé au
lait contenant au moins 30% de matière grasse.
Les laits contenant au moins 12 g de matière grasse pour 100 g
ont droit à l'appellation "crème légère".
Crème et crème légère sont, hormis la crème
crue, toujours soumises à un traitement thermique (pasteurisation
ou stérilisation).
En revanche, la mention "crème fraîche" ou "crème
légère fraîche" s'applique à des crèmes
qui sont pasteurisées et conditionnées sur le lieu de production
dans les 24 heures après la pasteurisation.
Elle est donc interdite aux crèmes stérilisées.
Lorsque la crème ou la crème légère contient
des produits d'addition autorisés, la détermination de la
matière grasse est effectuée sur la partie lactée.
La crème contient de la matière grasse (30 à 40%
en moyenne), de l'eau (59%) et 6% d'éléments non gras : protéines,
lactose et minéraux.
Elle est riche en calcium et vitamines liposolubles : A, D, E et K.
La législation autorise en très petite quantité
l'addition de certains produits dans la crème : saccharose (15%
maximum), ferments lactiques, stabilisateurs (0,5%).
Les différentes crèmes se distinguent les unes des autres
grâce à plusieurs critères : les traitements de conservation,
la teneur en matière grasse, et la consistance (liquide ou épaisse).
En combinant ces critères, on obtient une large palette de produits.
Crème de nos grand-mères : elle n'a subi aucun traitement
de pasteurisation ou de stérilisation. Fruit direct de l'écrémage,
elle est refroidie et stockée à +6°C.
De texture liquide, pendant les premiers jours, et de saveur douce, sa
teneur en matière grasse est généralement supérieure
à celle des autres crèmes.
La mention "crue" est obligatoire sur l'étiquetage.
Liquide et douce, car n'ayant subi aucun ensemencement, elle est pasteurisée.
Cependant, plus fragile que les crèmes stérilisées,
elle est de moins en moins utilisée par le grand public.
Les restaurateurs l'apprécient pour son aptitude au foisonnement,
c'est-à-dire au fait d'être battue pour intégrer l'air
qui la rendra légère et volumineuse, jusqu'au stade de la
crème Chantilly.
C'est une crème qui a été maturée. Après
la pasteurisation, elle est refroidie à 6-7°C. Elle est ensuite
ensemencée avec des ferments lactiques prélevés sur
des crèmes particulièrement aromatiques, avec un taux d'acidité
élevé.
La crème devient épaisse et acide. Son goût s'affirme.
Attention ! La seule dénomination "crème fraîche"
signifie que la crème a été pasteurisée.
Car la mention "pasteurisée" n'est pas obligatoire.
Les crèmes stérilisées n'ont pas droit à
l'appellation "crème fraîche".
Une fois conditionnée, la crème crue est stérilisée
à 115°C durant 15 à 20 minutes, puis refroidie.
Comme la stérilisation ne permet pas l'ensemencement, cette crème
est liquide.
Ce procédé développant un goût de cuit ou
de caramel, on lui préfère de plus en plus la crème
UHT.
La crème crue est stérilisée à 150°C pendant
2 secondes, puis rapidement refroidie. Ses qualités nutritionnelles,
gustatives et fonctionnelles sont préservées.
Est obtenue par un réglage de l'écrémeuse qui recueille
une crème avec un taux de matière grasse compris entre 12%
et 30%. Le taux exact de matière grasse doit être précisé
sur l'emballage.
Une crème légère peut être liquide ou épaisse
(si elle a été ensemencée et maturée). Elle
est obligatoirement pasteurisée ou stérilisée.
Contient au minimum 75% de crème ou de crème légère.
En sus, est autorisée l'addition de saccharose (15% maximum),
ferments lactiques, matières aromatiques naturelles, stabilisateurs
ou protéines du lait.
Le taux de foisonnement (le rapport entre le volume de la crème
fouettée ou de la crème légère fouettée,
prête à la vente, et le volume total initial des différents
constituants) ne doit pas être supérieur à 3,5.
Crème fouettée contenant au minimum 30% de matière
grasse.
La seule addition autorisée est celle du saccharose (sucre mi-
blanc, sucre blanc ou sucre blanc raffiné) et, éventuellement,
celle de matières aromatisantes naturelles.
Proche de la composition de la crème à fouetter, à
l'exception de l'addition de stabilisateurs, limitée à 0,1%.
Elle est toujours pasteurisée ou stérilisée.
En s'échappant, un gaz neutre est injecté dans le conditionnement,
il provoquera le foisonnement de la crème, c'est-à-dire une
augmentation très importante du volume qui peut atteindre 80%.
Seule A.O.C. (appellation d'origine contrôlée) appliquée
à ce jour à une crème.
C'est une crème fraîche épaisse (pasteurisée),
caractérisée par une très grande finesse.
Produite sur le territoire d'Isigny (Manche), elle est soumise à
des critères très stricts de fabrication.
Selon le décret du 30 juin 1986 (J.O. du 2 juillet 1986), elle
doit contenir au minimum 35% de MG (en pratique, elle affiche toujours 40%).
Obtenue par fermentation bactérienne, elle est très utilisée
en Europe de l'Est, en Europe centrale et en Russie ("smitane") ainsi qu'en
pays anglo-saxons qui en font grand cas ("sour cream").
Elle accompagne les poissons (le hareng), le bortsch, le chou farci,
les choucroutes, le goulasch.
En France où elle est peu courante - elle se conserve mal - on
s'en rapproche par addition de jus de citron à une crème, pour
accompagner les blinis ou les rollmops.
Une marque de salubrité est apposée sur chaque produit au
lieu de conditionnement des crèmes, à l'exception des lieux
de vente au détail (arrêté du 14/1/1980).
Elle atteste de la conformité réglementaire des produits.
Elle est obtenue par le fabricant auprès de la Direction des services
vétérinaires de son département.
Selon l'arrêté du 14 janvier 1980, à partir de la
date de fabrication, la date de péremption des crèmes préemballées
ne doit pas dépasser :
* 7 jours pour la crème crue
* 30 jours pour les crèmes pasteurisées
* 4 mois pour les crèmes stérilisées UHT
* 8 mois pour les crèmes stérilisées.
Avec 60% d'eau, la crème n'appartient pas à la catégorie
des corps gras
100 grammes de crème apportent 335 calories. Alors que la même
quantité d'huile en donne 900, de beurre ou de margarine environ
700 !
Aux mets, la crème donne un goût harmonieux.
Elle lisse et équilibre les différentes saveurs ; elle
apporte aux préparations une texture fine, homogène et moelleuse.
Elément de finition discret mais indispensable en cuisine classique,
la crème est aussi, en France, associée à certaines
cuisines régionales.
La cuisine normande, particulièrement, l'a mise à l'honneur
: sole à la normande, escalope à la crème, poulet
au cidre et à la crème, moules à la crème...
Mais l'Anjou n'est pas en reste, avec ses fricassées de volailles
ou de lapin à la crème, pas plus que la Lorraine qui ne peut
s'en passer dans son plat traditionnel, la quiche, ou l'Alsace qui l'associe
aux soupes et tartes de légumes.
Cependant, depuis la vogue de l'allégé, son emploi a été
reconsidéré. D'élément de finition, elle est
devenue élément de liaison principal.
Notamment, en réduction dans des cuissons longues, grâce
aux progrès réalisés sur la crème UHT.
On l'intègre aussi dans les sauces chaudes réduites ou
minute, le beurre blanc, les quiches diverses, les sauces froides.
Elle est devenue partenaire obligée des pâtes (tagliatelles
au saumon, fettuccine aux champignons) et ne saurait se faire oublier dans
certains plats courants comme les gratins.
En pâtisserie, elle est indispensable telle quelle ou fouettée,
pour les bavarois, les mousses, les soufflés, les flans.
Dans les glaces, avec les fraises, et certaines boissons, elle apporte
une touche inimitable.
La diversification des différents types de crèmes leur
permettent de s'adapter à toute la grammaire culinaire.
A chacun de réserver chaque crème à son meilleur
usage :
une crème liquide et douce se prête particulièrement
au foisonnement, à la crème chantilly.
Une crème épaisse accompagne, incorporée dans une
préparation ou telle quelle, de nombreux mets : légumes à
la vapeur, volailles, farces, oeufs en cocotte, purées et fondues
de légumes...
Source : La maison du lait